Page:About - Germaine.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.

brusquement. Vers dix heures, je descends dans mes jardins. J’en ai deux, l’un au nord de la maison, borné par un mur plus compliqué que la grande muraille de la Chine ; l’autre au midi, baigné par la mer. Le jardin du nord est planté d’oliviers, de jujubiers et de néfliers du Japon. L’autre est un énorme massif d’orangers, de figuiers, de citronniers, d’aloès, de nopals et de vignes gigantesques qui se fourrent partout, grimpent à tous les arbres et escaladent tous les sommets. M. de Villanera disait hier que la vigne est la chèvre du genre végétal. C’est une belle chose, ma pauvre maman, de courir où l’on veut, et d’aller en liberté. Je n’ai jamais connu ce bonheur-là. Mais si je vis !…

Je commence à me traîner assez gaillardement dans les allées. Elles étaient impraticables il y a huit jours, car le jardinier du comte Dandolo est un romantique pur, épris du beau désordre et des grâces chevelues. On a taillé les arbres à coups de faux, ni plus ni moins que dans une forêt vierge. J’ai demandé grâce pour les orangers ; car vous saurez que je suis réconciliée avec l’odeur des fleurs. Il ne faut pas cependant qu’on en mette dans ma chambre ; je ne les souffre qu’en plein air. Le parfum que les fleurs coupées exhalent dans un appartement monte vers mon cerveau comme une odeur de mort, et cela m’attriste. Mais quand les plantes fleurissent au soleil, sous la brise de la mer, je me