que l’esprit n’était pas éteint, que le cœur battait avec une vigueur inquiétante. Ce n’est pas tout, elle se sentit mordre d’un soupçon étrange. La malade racontait avec trop de complaisance les soins de son mari. Elle s’accusait d’ingratitude ; elle se reprochait de mal répondre à ce qu’on faisait pour elle. Mme Chermidy rugit intérieurement à l’idée que le mari et la femme finiraient peut-être par s’attacher l’un à l’autre ; que la pitié, la reconnaissance, l’habitude, uniraient ces deux jeunes âmes, et qu’un jour elle verrait s’asseoir entre don Diego et Germaine un convive qu’elle n’avait pas invité à leurs noces : l’Amour.
Cette profanation des lettres de Germaine eut lieu quelques jours après son arrivée à Corfou. Si Mme Chermidy avait pu voir de ses yeux son innocente ennemie, il est à croire qu’elle aurait conçu moins de peur que de pitié. Les fatigues du voyage avaient mis la pauvre enfant dans un état déplorable. Mais la maîtresse de don Diego se forgeait incessamment des monstres de guérison, et rêvait toutes les nuits qu’elle était supplantée sans ressource. Le jour où ses soupçons seraient changés en certitude, elle se sentait capable de tous les crimes. En attendant, par esprit de prudence et de vengeance, par désœuvrement de jolie femme sans emploi, par une spéculation d’intérêt et de perversité, elle s’amusa à dépouiller M. de La Tour d’Embleuse. Elle