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GAËTANA.

beau cavalier et un vert galant ! Je vois que ce noble sang n’a pas dégénéré, et j’entends dire que vous chassez de race !

LE COMTE.

Pardon, monsieur, je suis pressé et je ne suis pas venu ici pour entendre l’histoire de mon père… Je…

LE BARON.

Eh ! là ! là ! jeunesse bouillante : n’ayez pas peur. Je ne vous conterai pas toutes ses aventures. Il a fait bien des heureuses et bien des malheureux. Par exemple, je dois dire que dans ses égarements les plus fougueux, il n’oubliait jamais la loyauté du gentilhomme. « Il chassait hardiment sur toutes les terres, excepté sur celles d’un ami. Je parierais qu’il a séduit plus de mille femmes ; je jurerais qu’il n’a jamais trompé un homme ! » Et, tenez ! lorsqu’il était l’amant de la duchesse… le nom n’y fait rien ; elle est grand’mère aujourd’hui… elle le supplia de paraître à un bal qui se donnait chez elle. « Non, répondit votre noble père ; il faudrait serrer la main de ton mari, et mourir de honte. » Comment trouvez-vous cela, mon jeune ami ? Les amants d’aujourd’hui sont-ils encore aussi fiers ?

LE COMTE.

Oui, monsieur, dans ma famille.

LE BARON.

Bien répondu, morbleu ! Jeune homme, je vous estime ; touchez là ! (Il lui tend la main)

LE COMTE, après un moment d’hésitation, lui donne la main.

Monsieur…

LE BARON, sans le lâcher.

Pardon ; vous ne m’avez pas dit si vous veniez ici pour moi ou pour ma femme ?

LE COMTE, retirant sa main.

Pour vous rendre service, à vous.

LE BARON.

En sommes-nous déjà aux services ? C’est grave. Je croyais que vous ne me deviez encore que des politesses !