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ACTE PREMIER.

était quelque chose de sacré. Ce bon M.  Poletti, que je n’ai jamais revu, mais que je ne désespère pas encore de rejoindre, modifia ma manière de voir. Il m’enseigna que le corps humain n’était pas d’une étoffe si précieuse, puisqu’un foulard de deux écus valait le même prix que le bras d’un enfant. Vous savez d’où je suis parti, excellence, vous devinerez facilement où je suis arrivé. La route est toute droite ; il n’y a pas d’embranchement qui mène à la fortune, aux honneurs, ni à la vertu. Ma naissance m’a conduit à cette industrie ; cette industrie m’a fait une réputation qui ne me permet plus d’en choisir une autre. Si je demandais une sous-préfecture, le roi ne me la donnerait pas. Cependant, il faut vivre ; c’est une nécessité qui nous accompagne jusqu’à la mort. On connaît ma figure ; c’est l’enseigne d’un homme qui tient boutique de discrétion et de courage. Lorsqu’un ami, un galant homme comme vous, vient me dire à l’oreille : Birbone, j’ai du chagrin ; Birbone, j’ai un ennemi ; le soir même, monsieur, sans que personne ait su comment, le chagrin a disparu, l’ennemi est rentré sous terre.

« LE COMTE, avec horreur.

« Assassin !

« BIRBONE., avec philosophie.

« Qu’est-ce qu’un assassin ? Le contraire de l’accoucheur. L’un aide les gens à venir au monde, l’autre leur donne la main pour en sortir[1]. »

LE COMTE.

Et tu crois ?…

BIRBONE.

Je crois que votre seigneurie est dans la peine, et je mets à sa disposition mes faibles moyens.

LE COMTE.

Tu as supposé que j’étais assez infâme pour acheter un crime ?

BIRBONE.

Qui vous parle d’argent ? Je sais que vous êtes ruiné.

  1. Coupé par la commission d’examen.