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ACTE PREMIER.
LE COMTE.

Pardonnez-moi : je souffre beaucoup. J’ai reçu il y a quelque temps une nouvelle qui m’a saisi. Je devais cependant m’y attendre ; ne cherchez pas à deviner, vous ne trouveriez pas. Depuis ce moment, j’ai joué comme un fou : d’abord pour m’étourdir, ensuite pour me ruiner. J’ai réussi passablement.

GAËTANA.

Vous souffrez, et vous n’en avez rien dit ! Vous avez fait des folies au lieu de demander des consolations !

LE COMTE.

Mon mal est sans remède.

GAËTANA, s’asseyant à droite.

Il n’y a que les gens heureux pour inventer des douleurs inconsolables. On a reçu tous les dons à la fois, naissance, fortune, esprit, figure ; on est envié des uns, admiré des autres ; aimé de toutes les femmes, estimé de tous les hommes : mais on s’est couché sur une feuille de rose pliée en deux, et l’on éprouve une douleur si cuisante qu’il ne reste plus qu’à mourir !

LE COMTE.

Non, madame, la mode des chagrins vagues et des mélancolies sans cause est passée. La douleur dont je souffre n’a rien d’imaginaire.

GAËTANA.

Eh bien, contez-la-moi !

LE COMTE,

Non, je ne serais pas un galant homme.

GAËTANA.

Pourquoi ?

LE COMTE,

Parce que ma confidence, supposé qu’elle ne vous parût pas offensante, ne pourrait que vous émouvoir d’une pitié stérile et troubler votre repos sans remédier à mon sort.

GAËTANA.

Alors, don Gabriel, vous en avez trop dit. Asseyez-vous là, c’est moi qui vais vous faire vos confidences.