Page:About - Gaetana, 1862.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
D’UN AUTEUR SIFFLÉ.

éclats. Mais si j’étais un de ces esprits craintifs qu’un rien dégoûte de la vie ; si j’étais allé me jeter à la Seine, du haut d’un pont, au lieu d’aller conter cette chaude soirée à ma mère : avouez, messieurs, que vous auriez fait là une belle besogne. Ou si même j’étais dans un de ces embarras qui ne sont, hélas ! que trop fréquents dans la vie des gens de lettres ; si j’avais eu besoin du succès d’hier soir pour déjeuner ce matin : vous auriez commis une cruauté gratuite et vous n’auriez pas eu l’excuse de la passion littéraire, car vous ne savez pas si la pièce est bonne ou mauvaise, bien ou mal écrite : vous avez toussé, sifflé et crié dès le commencement du premier acte !

Je me hâte de vous affranchir d’un tel souci. Je me porte bien, j’ai dormi cette nuit, j’ai déjeuné tant bien que mal ce matin, et si j’ai les nerfs un peu agacés, il n’y paraîtra plus dans deux heures.

Il y a mieux : j’espère que la pièce se relèvera d’elle-même après avoir lassé la cabale, et je ne la tiens pas pour morte. »


Ainsi parlait, ami lecteur, un dramaturge sifflé hier soir. Il prétend que sa pièce n’est pas morte ; je lui ris au nez, et je répète ce mot d’un sergent qui ramassait les morts sur un champ de bataille : « Si on les écoutait, ils diraient tous qu’ils ne sont que blessés ! »

Paris. — Imprimerie de J. Claye, rue Saint-Benoit, 7