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D’UN AUTEUR SIFFLÉ.

attendre un peu plus que de raison, annonçait la résolution de me jouer en pleine canicule. Je repris mon manuscrit et je passai les ponts.

Ce ne fut pas sans regretter amèrement les interprètes que je laissais en arrière. Je savais que la troupe de l’Odéon, à part quelques artistes de premier ordre, ne vaut pas celle du Théâtre-Français ; mais je comptais (voyez un peu comme on s’abuse !) sur la sympathie d’un public jeune.

Le public de la Comédie-Française est bien élevé, mais un peu froid, blasé et sceptique. Il ne se fâche pas pour un rien, mais, en revanche, il est difficile à émouvoir. Tout bien pesé, j’aimais mieux offrir ma pièce à la jeunesse des Écoles. J’ai vécu par là, dans mon temps ; il y aura juste dix ans, le 15 de ce mois, que j’en suis sorti pour aller voir Athènes. J’ai fait, entre le Panthéon et la Sorbonne, une petite provision d’idées et de sentiments qui sont encore aujourd’hui le fond de mon être. J’ai applaudi aux cours de Jules Simon et donné quelques coups de poing dans l’amphithéâtre de M. Michelet. Que diable ! le quartier latin serait bien changé si je ne trouvais pas un peu de sympathie chez nos jeunes camarades ! N’ai-je point bataillé sept ou huit ans pour cette vieille révolution que tous les jeunes gens aimaient en ce temps-là ? Ai-je déserté nos anciens drapeaux, religieux ou politiques ? Ai-je insulté les dieux de la littérature et de l’art ? Ai-je manqué une occasion de défendre Victor Hugo à Guernesey, David (d’Angers) dans l’exil ou dans la tombe ? David, le grand David m’embrassait comme un fils à son lit de