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CAUSERIES.

ne rappelle les masques du théâtre antique, tant de fois repeints, remaniés, adaptés et réadaptés à la vie moderne, coiffés d’une perruque par celui-ci, enfarinés de poudre à la maréchale par celui-là. La critique perdrait son latin à vouloir analyser cette action purement morale, où tout se passe dans les âmes, où le seul coup de théâtre est un carreau cassé. On pense vaguement à Sedaine ; ceux qui savent le latin reconnaissent la bonhomie de Térence, encore humanisée et attendrie par un vrai cœur de bonne femme : il n’y a pas d’autre jugement à porter sur cette œuvre de charme et d’innocence. Critiquer le Marquis de Villemer, c’est vouloir analyser un parfum d’héliotrope voltigeant dans l’air du soir.

Le public se rue à l’Odéon avec une fureur digne d’éloge. Tous les honnêtes gens, tous les demis, tous les quarts, tous les huitièmes et jusqu’aux simples trente-quatrièmes d’honnête homme, vont se mirer avec une complaisance inouïe dans ce cristal assez flatteur. Mme  George Sand, en peignant nos contemporains comme ils devraient être, a obtenu un succès qu’elle ne rêvait pas, j’en suis sûr. De même que les Français de 1793 dépensaient leurs assignats pour applaudir des bergeries, les Parisiens un peu tarés de 1864 offrent leurs napoléons en holocauste sur l’autel du désintéressement. Ce mouvement part d’un bon naturel, ou tout au moins d’un naturel qui n’est pas encore absolument perverti. Il démontre