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CAUSERIES.

raîtra plus ni gaie ni triste dans trois ans, mais simplement indifférente. Telle journée a été longue comme un siècle, tant les plaisirs et les peines, les craintes et les espérances augmentaient la valeur de chaque minute : quand vous y repenserez, plus tard, elle n’aura plus guère que vingt-quatre heures, comme toutes les journées du monde. Les jalons qui la divisaient à vos yeux ne seront plus visibles ; l’oubli les a d’abord estompés légèrement, puis effacés tout à fait. Il est donc important d’écrire nos impressions dans toute leur actualité, comme la ménagère qui fait une conserve prend les fruits dans toute leur fraîcheur.

Ce mois de mars 1864, qui s’est terminé hier soir, ressemblera dans quelque temps, au mois d’avril 1853, ou au mois de février 1847, ou à tous les mois dont la douzaine fait une année, comme vingt francs font un louis. Mais aujourd’hui, dans la première vivacité de nos sentiments, quand nos impressions toutes chaudes ne sont pas encore passées à l’état de souvenirs, il semble que ces trente et un jours éclatent par leur plénitude comme un vase trop étroit pour son contenu. Les dernières vacations de la vente Delacroix, les premières représentations de Villemer et de l’Ami des femmes, la question Coquerel, le Jésus à vingt-cinq sous, une grosse discussion au Sénat, une élection politique à Paris, une élection artistique au Palais de l’Industrie, la