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ses moindres recoins le vaste empire qu’on a conquis avant eux. Plus ce champ est étendu, plus il faut de temps pour le parcourir, plus on risque d’arriver fourbu au terme du voyage. Que dis-je ? On y arriverait vieux, si l’on n’avait pas de bonnes jambes.

Aujourd’hui, les jeunes professeurs de l’École, les jeunes médecins des hôpitaux touchent le but vers l’âge de 35 ou 40 ans. Jusque-là, qu’ont-ils fait ? Ils ont passé leur jeunesse à préparer des concours, c’est-à-dire à charger leur mémoire de toutes les connaissances qui pouvaient les faire valoir dans un petit nombre d’épreuves déterminées. Ils sont ferrés sur tous les détails de la médecine courante, sauf peut-être la thérapeutique, car il est de bon goût de s’étendre sur la question de manière à manquer de temps, et d’aborder là thérapeutique au moment où l’horloge vous coupe la parole. Les pauvres candidats sont bourrés de détails, chargés de faits, courbés sous le poids des observations recueillies par leurs maîtres ; on n’exige pas qu’ils exposent des vues générales ; je crois pourtant qu’on le leur permet par tolérance. Cette méthode permet à l’École de recruter d’excellents élèves, qui pourront faire un jour d’excellents professeurs. Mais ils ont passé l’âge des recherches originales, des idées neuves et hardies ; ils prendront difficilement l’habitude de rien tirer de leur propre