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moires ; à ces hommes éminents que l’État, déjà nommé, marque d’un sceau spécial et recommande ainsi à la confiance publique.

L’État ! toujours l’État ! Lui seul est compétent sur toutes les matières dans ce benoît pays de France. Il a beau se récuser par modestie et par fatigue, on le consulte malgré lui. Il faut, bon gré mal gré, qu’il juge, qu’il prononce, qu’il décide. On veut avoir une opinion officielle sur la médecine homœopathique comme sur l’emplacement d’Alésia.

Les emprunts étrangers, les loteries à cinq sous, les tableaux de M. Gudin, la science de M. le Verrier et les plus admirables choses de cette époque n’auraient pas fait fortune sans l’approbation de l’État. On porte les couverts à la Monnaie pour que l’État y mette son contrôle, les livres au ministère de l’intérieur pour que l’État les estampille ; chaque citoyen ou sujet se porte lui-même aux antichambres et aux bureaux dès qu’il croit valoir quelque chose, et sollicite humblement quelque signe distinctif, une sorte de timbre apposé par l’État.

Aux yeux du bon public, la valeur d’un tableau varie entre cent francs et mille louis d’or, selon que l’artiste est un refusé, un reçu, un médaillé, un décoré, un officier ou un commandeur, comme M. Gudin, par exemple. Un axiome mathématique est évident par lui-même ; mais il gagne en autorité