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Je n’ai pas vingt mille francs pour dorer les bornes kilométriques ! Tant pis pour moi.

L’État prend à forfait la vie et la santé des citoyens ; il délègue son pouvoir médical à ceux qu’il juge dignes du bonnet ; il est prêt à frapper l’usurpateur qui leur fera concurrence.

Grâce à ce système libéral autant qu’ingénieux, la France, mon cher maître, abonde en médecins inférieurs aux nôtres. Mettez-vous à la place d’un malheureux garçon qui a épuisé toutes ses ressources pour gagner le fameux bonnet. Un bonnet ne se mange pas ; or, il faut vivre : il faut se mettre à l’œuvre et gagner n’importe comment le pain de chaque jour.

À Paris, on se démène, on intrigue, on fait la cour aux portiers des maisons riches ; on s’extermine en démarches humiliantes et stériles, juste au moment où l’on est assez jeune et assez près de l’école pour commencer des études sérieuses. En province, même jeu ; on se remue peut-être un peu moins, mais on vit plus misérablement encore. Il suit de là que les neuf dixièmes des médecins à bonnet restent sur le peu qu’ils ont appris à l’école et sont perdus pour le progrès de la science. Et pourtant quelques-uns dans le nombre auraient été des hommes de talent !

La perspective de ces misères physiques et morales décourage bien des gens. On commence à