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leur compagnie mille choses que je n’aurais pu découvrir ou deviner par moi-même.

Pour vous dire comment la médecine s’enseigne, se perfectionne et se propage ici, il faut que je commence par vous faire connaître le peuple français, si peu semblable à nous et généralement à tous les autres hommes.

Chaque sujet de cet empire est installé pour toute sa vie comme le prophète Jonas le fut pendant trois jours. Figurez-vous, si vous le pouvez, trente-sept millions d’individus entassés dans le corps d’un animal gigantesque. Seulement la baleine s’appelle ici l’État.

La baleine mangeait, respirait et remplissait toutes les fonctions naturelles pour le prophète son prisonnier. L’État fait tout pour les Français ; aussi ont-ils pris l’habitude de ne rien faire eux-mêmes. Cette condition semble agréer à leur paresse et à leur timidité. Ils tremblent à la moindre colique, à la plus légère convulsion de leur enveloppe vivante ; il leur semble qu’en devenant libres, ils seraient inévitablement noyés. Toute révolution qui menace de leur ouvrir l’espace est désignée sous le nom de cataclysme, ou de catastrophe, et les plus honnêtes gens se mettent à calfater les flancs de la baleine. La baleine aurait beau leur dire : Allez dehors, vous me gênez, un peuple est lourd à porter, cher à nourrir ; tâchez de vous