Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonnable que l’homme ; elle est plus sobre, d’abord, et s’abstient de tous les poisons qui nous troublent le cerveau. Vous trouverez le bon sens chez les femmes du peuple, ces innocentes victimes du cabaret ; chez les femmes de la petite bourgeoisie, qui mettent sou sur sou pour l’échéance ou le loyer ; vous le trouverez plus haut encore, chez toutes les femmes d’un certain âge, celles qui ont passé quarante-cinq ans et qui l’avouent. Celles-là ont reçu une éducation plus solide que les poupées à trente-six ressorts qu’on nous fabrique aujourd’hui ; elles ont eu le temps de lire, elles ont pris l’habitude de penser, elles habitent des hauteurs morales où le tapage des boulevards, les bouteilles cassées à la Marche et les chansons de mademoiselle Thérésa n’éveillent aucun écho.

« La folie que j’accuse ne sévit que dans un milieu spécial, une sorte de champ clos, où quelques milliers de femmes, inégales par le rang, la fortune, la naissance et la beauté, se démènent incessamment pour s’effacer les unes les autres. Ce milieu, où nous sommes jetés pour notre malheur, est ce qu’on appelle par excellence le monde. Les filles qui dansaient ce soir chez notre ami S… sont des filles du monde ; elles ne se marient qu’à la condition de devenir femmes du monde : or, l’obligation de loger, de voiturer, d’habiller et de farder une femme du monde, entraînée pour les steeple-