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« Ne croyez pas, monsieur, que l’égoïsme bête et le goût des plaisirs faciles soient les seules raisons qui nous détournent du mariage. Je ne suis ni un égoïste, ni un oisif ; j’ai travaillé pour moi toute ma vie, et si j’éprouve un regret, c’est, de ne pouvoir travailler pour une famille. Mais voyez où j’en suis, et dites-moi ce que vous feriez à ma place. Je me suis élevé, non sans peine, à un emploi de 12 000 francs ; mon revenu me suffit pour vivre. Si…

— Un instant ! m’écriai-je. Épousez une femme qui vous en apporte autant ! Voilà comme on fait les bonnes maisons !

— En province, peut-être à Paris, non. Vous ne savez pas, monsieur, ce que Paris est devenu depuis quelques années. Une femme qui m’apporterait douze mille francs de rente ajouterait beaucoup plus à ma dépense qu’à mon revenu. D’abord, elle entendrait dépenser elle-même en toilette, en mobilier, en dîners, en luxe de maison l’intérêt de son capital. Trop heureux si elle n’empiète pas sur les appointements de ma place ! La position que j’occupe lui ouvre les portes d’un certain monde ; par quels raisonnements lui persuaderais-je de n’y point aller ? Elle me répondrait sans hésiter : Eh ! monsieur, je ne vous ai pas épousé pour autre chose. Si je l’y mène, elle s’apercevra, dès la porte d’entrée, qu’elle n’est pas