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ne le réveillerait pas. Je demeurai pourtant, sur les instances du cher Léon ; ne suis-je pas le seul ami qui lui reste du collége ? Il en avait sept ou huit, intimes comme moi, lorsqu’il s’est marié en 1850. Madame les a éloignés l’un après l’autre, celui-ci parce qu’il mettait mal sa cravate, celui-là parce qu’il manquait de religion, l’un parce qu’il avait épousé une personne trop simple, l’autre parce qu’il n’aimait pas la musique de Gounod. Le Parisien choisit ses amis lui-même, mais sa femme fait un travail de révision qui les élimine parfois jusqu’au dernier.

Quand la troisième série, dont j’étais, eut sucré son café et allumé les cigares, la conversation s’anima comme il arrive partout où le vin de Champagne a coulé. Moi qui n’avais rien pris qu’une tasse de thé, je payai mon écot par quelques réflexions sur les harmonies secrètes qui unissent le mariage et le printemps. Un immense éclat de rire accueillit mes paroles : je m’étais fourvoyé dans un guêpier de célibataires endurcis et un peu gris. Vous savez quel est le premier mouvement d’un homme qui tombe à l’eau : il cherche une branche. Je saisis Léon S… qui est des nôtres, lui ! et je le pris à témoin.

Léon secoua la tête et me dit : « Mon bon vieux, tu as vu ce soir pas mal de jolies filles ?

— Énormément.