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Jusqu’à mon mariage, j’ai mangé le pilon des volailles. Du temps de ma mère, c’était encore pis ; l’arête du turbot revenait de droit aux enfants. Aujourd’hui, le blanc du poulet n’est pas assez blanc pour mademoiselle et il faudra lui servir les ortolans désossés. »

Cette mère, qui voit si juste, n’a jamais rien su refuser à sa fille c’est la mode ; que voulez-vous ?

La petite écrit comme un chat et s’en vante « C’est bien heureux, dit-elle ; si j’avais une écriture de curé comme grand’mère, ou si j’alignais des soldats sur le papier comme maman, on verrait mes fautes d’orthographe. » Elle ne sait ni le dessin, ni même la musique, mais elle sait une foule de plaisanteries charmantes sur les arts de désagrément. « Le piano, dit-elle, c’est portier comme tout. J’aime mieux acheter pour un louis de bonne musique aux Italiens que de m’en fricoter pour six sous de mauvaise. Quant aux arts du dessin, j’aime mieux m’en passer. Supposez que je m’y sois attelée pendant dix ans : serais-je seulement de la force de M. Ingres ? » En revanche, elle danse à merveille et lève le pied en famille après souper. Elle monte à cheval aussi bien que Cora ; c’est elle qui le dit ; au reste, Cora n’est pas du tout sa femme. Y a-t-il là-dessous une rivalité d’artiste ? Je ne sais. L’idéal du chic est pour elle Anna Deslions ; lors-