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était de mode il y a vingt ou trente ans. Elle sait mieux compter que sa mère, elle sait moins écrire. Elle parle mieux, si l’on veut, elle cause moins bien. Elle est meilleure musicienne, mais avec trop de prétentions et surtout trop de théorie. Elle s’est fait un répertoire imposant de doctrines littéraires, artistiques, politiques et religieuses. Je la crois moins pieuse, dans le fond, que sa bonne femme de mère, mais elle est plus dévote et plus intolérante. C’est de son temps que le sexe féminin s’est laissé enrôler sous un drapeau.

Telle qu’elle est néanmoins, cette femme a des qualités très-estimables ; elle prend au sérieux son mari, son ménage et l’éducation de ses enfants. Si elle dépense trop, si elle est entraînée chez les brigands de la mode, c’est à son corps défendant, pour tenir son rang, pour payer un tribut nécessaire aux ridicules du jour. On lui ferait injure en la comparant à sa fille, cette petite personne de vingt ans qui se mariera la semaine prochaine et entreprendra le bonheur d’un monsieur, sans garantie du gouvernement.

Tout le monde l’a gâtée au logis, et personne ne l’a élevée. Sa mère avait des théories, mais elle a été si fort accaparée depuis dix ans par ses devoirs de salon qu’elle n’a pu songer à la pratique. Elle dit seulement, par acquit de conscience : « Nous n’avons pas été élevés comme vous, mes enfants.