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toutes les merveilles que l’art a semées sur la terre, il ne connaît qu’un papier barbouillé de rouge, de jaune et de bleu. C’est le portrait de Napoléon Ier, ou l’image du patron de sa paroisse, ou le tableau à bon marché qui représente le Juif-Errant à Bruxelles, ou sainte Geneviève de Brabant, ou même la mort du pauvre Crédit, tué par les mauvais payeurs.

Ces œuvres de pacotille, qui vous font hausser les épaules, prennent une place assez considérable dans l’esprit du paysan. Elles remplissent, faute de mieux, la case de son cerveau que la nature destine aux choses artistiques. Chez vous et moi, la case s’est élargie ; nous y avons fait entrer le Louvre, le Luxembourg, le Vatican, le palais Pitti, le Campo Santo de Pise et mille autres trésors : chez lui, chez l’homme qui pioche ou laboure, la case étroite s’est ouverte pour loger une ou deux images, et elle se referme là-dessus.

Or, il a de l’imagination, ce simple : quel homme n’en a pas peu ou prou ? Les idées claires ou confuses qu’on a déposées dans son esprit subissent une fermentation spéciale qui les transforme et produit des idées nouvelles, des sentiments inconnus, des résolutions qu’il croit spontanées ; car il n’a ni le temps ni le talent de remonter à leur source. Qui peut dire de quels éléments se compose la volonté d’un peuple ? Quand l’histoire ana-