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de leurs maisons. Aujourd’hui, c’est tout le contraire : je me prends quelquefois à plaindre ces dix-sept ou dix-huit cent mille détenus qui pataugent dans les rues de Paris. Se peut-il que le fond de l’homme, c’est-à-dire les idées, les goûts et les habitudes se modifient en si peu de temps ? On me le jurerait, je ne voudrais pas le croire. Mais comment en douter, si je le sens ?

Le fagot vient de s’affaisser sur lui-même. Il ne reste dans le foyer qu’une myriade de petits charbons rouges. Quelques tisons à demi consumés flambent encore à droite et à gauche, sur les chenets. Un catholique profiterait peut-être de cet instant mélancolique pour faire son examen de conscience. Pourquoi n’en ferais-je pas autant ? La conscience n’est pas le monopole des croyants, quoi qu’ils disent. Je viens de résumer pour moi ces douze années, qui ont passé si vite que le souvenir le plus ancien me semble daté d’hier. Allons ! Il faut avouer qu’en douze ans l’homme le mieux intentionné peut faire beaucoup de sottises. J’en ai fait par paroles, par actions et par écrit. Il y a là, dans la bibliothèque, vingt-cinq volumes dont les trois quarts auraient pu se dispenser de naître. Que d’erreurs, de contradictions, de malices inutiles et de violences dangereuses ! Combien d’engouements dont on est revenu, et de sévérités sur lesquelles on voudrait pouvoir revenir ! Baste !