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crier au pauvre pion. Mais personne ne voulait être lâche ; personne ne se résignait à trahir le courageux anonyme qui avait donné le mot d’ordre : on éteignait les quinquets, on lançait les encriers, on faisait mal à un pauvre innocent, on s’éclaboussait les uns les autres, et tout finissait par une punition générale. Le pis est que l’auteur du billet anonyme était souvent un élève de la classe voisine qui se moquait de nous en nous voyant écrasés de pensums. Le même phénomène se produit trop souvent dans l’histoire des coalitions.

Je sais bien que la Société typographique ne songe pas à jeter des écritoires à la tête de M. Crété. On est une assemblée d’hommes bien élevés, on use pacifiquement d’un moyen de défense accordé par la loi. Il s’agit de ruiner en tout bien tout honneur un patron qui donne un dangereux exemple. Quant aux ouvrières de Corbeil, on les estime, on les respecte, on les mettrait volontiers sur un trône, en tant que femmes : on s’applique seulement à leur ôter le pain de la bouche, au nom d’un intérêt général. Aucune violence ne sera exercée contre elles : on enjoindra seulement aux hommes qui travaillent chez M. Crété de quitter cette imprimerie et de se pourvoir ailleurs. Les démissionnaires souffriront : c’est leur affaire ; les femmes seront sacrifiées : peu importe : M. Crété sera ruiné, on le plaindra lui-même ; car ce n’est pas à lui qu’on