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un grand panier qu’il remplissait aux petites boutiques. Je vois surtout la joie de la fillette qu’il éblouit le lendemain par le déballage de deux cents joujoux, tous différents. Elle les regardait de ses grands yeux, elle les aspirait de la bouche ; elle ne pouvait dire que deux mots : « Comment, encore ! »

La même enfant, cinq ans plus tard, ne s’amusait plus de rien : les petits meubles de Tahan, les livres illustrés, les bijoux l’avaient blasée. Une petite Parisienne se fait un écrin avant l’âge de dix ans. Ce n’est plus seulement à l’occasion des mariages, c’est à tout propos, à sa fête, à son anniversaire, à Pâques, au jour de l’an, qu’on s’amuse à la couvrir d’or. Les diamants ne sont pas encore de la partie mais on y viendra, n’ayez pas peur.

J’ai l’air de décrier le présent au profit du passé ; mais enfin rappelez-vous vous-même, homme ou femme, la terreur respectueuse où vous étiez dans votre enfance devant une pièce de cinq francs. Avant nous, la marmaille avait encore l’esprit plus modeste. Un mien oncle est entré à l’école navale d’Angoulême avec quarante sous que sa mère lui avait donnés il les garda deux mois dans sa poche, sans oser écorner la pièce. Les bambins d’aujourd’hui qui ont de l’or et des billets dans leur tirelire vont hausser leurs petites épaules. Eh ! chers enfants, l’écolier aux quarante sous est