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sur la vierge chrétienne ; ils écartaient les rochers devant elle, et les remettaient à leur place aussitôt qu’elle avait passé. La paix se fit, à la fin, entre le père et la fille ; Étichon rasa son château et construisit un cloître dont Odile devint abbesse.

La future patronne de l’Alsace faisait des miracles par douzaines ; elle guérissait les aveugles ; elle faisait jaillir l’eau des rochers en les touchant du bout du doigt. Pour arracher son père au purgatoire, elle pleura tant et tant qu’elle creusa un trou large et profond comme un coffre dans le granit. On ne voit plus les larmes, mais j’ai vu le trou. Quand la sainte mourut à l’âge de 109 ans, un ange descendit tout exprès pour lui apporter le viatique. Tout est miracle dans cette histoire ; le couvent seul n’est plus guère miraculeux. Il est vrai que douze incendies et une demi-douzaine de saccages l’ont fait aller de mal en pis. Ce n’était qu’une ruine informe en 1833 lorsqu’un mauvais garnement du nom de Lhuillier l’acheta 14 000 francs et y fonda l’ordre des Frères paillards. Il y avait aussi des Sœurs paillardes, et les deux sexes y menaient un train plus joyeux qu’édifiant, malgré les interdictions et les excommunications de l’évêque.

L’ordre (ou, pour parler correctement, le désordre) se maintenait grâce aux coupes des bois voisins et au pèlerinage obstiné des Alsaciens aveugles, borgnes ou chassieux.