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— Mais lequel épouseras-tu ? Car tu sais qu’on ne peut en prendre qu’un.

— À la fois, c’est connu. Ma chère, je suis bien embarrassée. Jules sera très-riche ; il aura des chevaux. Mais Édouard est Américain, il retournera dans son pays, et c’est joliment chic, une femme qui voyage. Paul a un défaut, c’est qu’il louche, mais il sera baron ; je serais donc baronne.

— Et l’autre ? Il en manque un.

— Ah ! Prosper ? (On rougit). Il est joli, vois-tu ; c’est le plus joli petit garçon que j’aie vu de ma vie. Malheureusement il n’est pas noble, il n’est pas Américain, et son père est ruiné. Je ne l’épouserai donc pas, mais je l’aimerai bien tout de même.

Six ans plus tard, entendez-vous la même petite fille murmurer sa prière devant l’autel d’un couvent à la mode ?

« Sainte Vierge ! Qu’il soit riche, qu’il ait un nom et qu’il fasse tout ce que je voudrai ; je vous tiens quitte du reste ! »

Parmi les corrupteurs de ce joli petit sexe, il faut compter les amis de la maison.

Autrefois, nous donnions des bagatelles aux enfants de nos amis pour leur être agréables ; aujourd’hui celui qui donne est surtout occupé de se montrer riche et généreux. Je vois encore mon vieux camarade E. de V… (un marquis, s’il vous plaît) courant le boulevard, le 31 décembre, avec