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certain temps, la gravité ecclésiastique. Il appelle les bons esprits, il invite les mauvais à vider l’enceinte ; et l’exercice commence. Dix, quinze, vingt innocents évoquent les esprits des morts à leur aide ; ils se battent les flancs, ils se donnent la fièvre, et l’un d’eux finit par se croire inspiré. Il griffonne, il griffonne, sa main tremble, ses nerfs s’usent, et le malheureux accouche enfin d’une platitude qu’il signe Démosthènes ou Cicéron.

Quelquefois pour frapper les âmes les plus grossières, Cicéron daigne agiter une sonnette et Démosthènes atteste sa présence en cognant au plafond. Voilà les grands miracles du spiritisme moderne ; les nouveaux mages, dont vous êtes, n’ont rien donné de plus à tous ces affamés qui courent au surnaturel. Votre Moniteur et les autres journaux du spiritisme publient à qui mieux mieux les chefs-d’œuvre dictés d’en haut. J’en ai lu de toutes les façons, et même de la vôtre, monsieur, et je n’ai vu que des platitudes. Les médiums ne sont pas même assez lettrés pour faire du pastiche. Vous me direz que si l’on avait un peu de littérature on ne choisirait pas le métier de médium. Mais encore faudrait-il donner quelque vraisemblance à la chose. On ne demande pas que vous fassiez un opéra de Mozart ni une comédie de Molière. Essayez seulement d’inviter la Fontaine à écrire pour vous une fable de plus.