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vent ne lui apprendra rien, je l’accorde ; mais pensez-vous qu’il lui fasse oublier ce qu’elle a vu et entendu ?

Ce point touché, je n’appuie pas. Inutile de dresser la statistique des bonnes et des gouvernantes qui donnent des rendez-vous dans la chambre d’un enfant bien gardé. J’ai vu des fillettes de dix ans, imperturbables dans leur candeur artificielle, disserter gravement sur les choux prolifiques et les rosiers féconds en marmaille ; entre elles, elles tenaient de tout autres discours. Mettez dans vos papiers qu’il y a fort peu d’imaginations enfantines qui n’aient été tachées peu ou prou par les discours ou les actions de vos valets. La grande précaution du couvent vient trop tard ; c’est enfermer le loup dans la bergerie. J’admire les mamans qui refusent de mener leurs filles au Gymnase quand elles sont allées au café des Aveugles avec leur bonne d’enfant. Une jeune dame, dont la famille est plus que millionnaire, m’a conté qu’elle avait dansé pour de l’argent dans le jardin des Tuileries c’était sa bonne qui la produisait en public et qui empochait les gros sous.

C’est dans la compagnie des valets que les futures mangeuses d’argent apprennent la plus sotte vanité de notre époque : la vanité d’argent. On leur met dans l’esprit qu’un riche vaut mieux qu’un pauvre, que les meilleures choses sont celles