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à l’œil nu : je prendrais le microscope. C’est dans un microscope, si vous voulez, que j’ai vu la première éducation des petits Parisiens abandonnés aux domestiques.

Or vous savez, je pense, que la gent domestique s’est bien modifiée à Paris. Où sont-ils, les vieux serviteurs du bon temps, qui faisaient partie de la famille ? On pouvait leur confier sans crainte un garçon, voire une fille. Ils tutoyaient leurs jeunes maîtres, j’en conviens ; c’est un abus que les petites demoiselles et les petits messieurs de trois ans ne toléreraient plus aujourd’hui. Mais ils les aimaient en revanche, ils entouraient du respect le plus tendre et du soin le plus jaloux ces yeux naïfs et ces oreilles vierges. Les enfants, à leur tour, éprouvaient comme un sentiment filial pour ces vieux meubles, intelligents et dévoués, de la maison paternelle. Ils voyaient en eux comme des parents pauvres, sans jalousie et sans aigreur. Ce type que j’évoque en passant, n’a pas disparu de la France ; il a déménagé, voilà tout : vous le trouverez en province. Mais à Paris, les maîtres et les valets n’ont ni le temps ni le désir de se connaître. On se prend, on se quitte, on se donne réciproquement les huit jours tout le long de l’année. Tel maître congédie sa maison en bloc, tous les étés, pour s’en aller à la campagne. Presque tout serviteur est en quête d’une place meilleure, j’en-