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peut dire, en thèse générale, que les neuf dixièmes des enfants riches, à Paris, sont élevés par leurs domestiques.

Les papas vont crier à la calomnie. Et les mamans, donc ! Oui, madame, j’avoue que vous trouvez moyen de consacrer en moyenne cent vingt minutes par jour à votre petite famille. D’un heure à trois, c’est convenu. Et l’effort que vous faites est assez honorable pour qu’on vous en félicite, au lieu de vous chicaner sur le peu. Vous vivez dans un monde où le mouvement, le bruit, l’ostentation, l’ubiquité sont de rigueur. Votre existence est prise dans un engrenage implacable, et vous avez vraiment du mérite à sauver deux heures chaque jour.

Quant à vous, cher monsieur, vous rejetez la faute sur le despotisme des affaires ; et tout le monde, hélas ! a des affaires aujourd’hui. Les millionnaires en ont autant, peut-être plus que moi qui suis un pauvre diable. Si l’on se résignait à n’avoir qu’un enfant, on pourrait se tenir à l’écart des affaires. L’enfant héritera de ses parents, tôt ou tard, et il ne se sentira pas trop déchu, quoique la pièce de vingt francs, qui est tombée à dix depuis quelques années, se rapproche insensiblement de la pièce de cent sous. Mais on se donne plusieurs héritiers, ne fût-ce que par prudence, en souvenir de notre condition mortelle. On ne veut pas qu’ils soient plus à plaindre que leurs parents : il faut