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théorie. Elle ne tend à rien moins qu’à immoler les intérêts d’une moitié de la nation aux plaisirs de l’autre.

La récolte appartient à ceux qui ont semé, le gibier est absolument à la charge de l’agriculture ; il serait odieux qu’un industriel, un rentier, un marchand, celui qui n’a jamais tiré du sol la pitance matinale d’un lièvre, celui qui, n’ayant pas un hectare en bien fonds, n’a jamais pu fournir une poignée de grains à la perdrix, une grappe de raisin à la grive, se donnât sans indemnité le plaisir de la chasse, qui est une récolte au second degré. J’ai parlé de ce qu’elle dévore, et je n’ai rien dit de ce qu’elle gâte ; mais nous savons tous, mes chers frères, que les chasseurs et les chiens rencontrent tous les jours des récoltes sur pied, qu’ils battent ces remises et qu’ils les foulent toujours un peu. Il est juste que cela se paye. Si le paysan froissait, tachait ou écornait la moindre chose dans la boutique d’un marchand, il la payerait.

J’ajoute que si tout le monde avait le droit de tirer sans payer, la chasse deviendrait une industrie et créerait parmi nous une population dangereuse. C’est un mauvais métier, fort amusant, je l’avoue, et chers aux esprits vagabonds, mais qui rapporte moins qu’il ne coûte. Les piéges, les lacets et mille engins moins coûteux que la poudre feraient une terrible concurrence au fusil. On pren-