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rencontré, tiré et manqué, nous encourons le plus insupportable de tous les ridicules : nous passons pour des vaniteux maladroits ; on dit autour de nous que nous avons eu trop de confiance dans nos moyens physiques, que nous avons spéculé sur la rapidité de nos mouvements, la fermeté de nos bras, la précision de notre coup d’œil ; en un mot, que nous nous sommes crus infaillibles. Or, l’homme qui se croit infaillible est mal vu du public depuis un certain temps.

La vérité, mes frères, est que nous ne manquons pas le gibier, ou du moins nous ne le manquons guère plus que les chasseurs heureux. C’est le gibier qui nous manque, et, je le dis avec tristesse, il va manquant un peu plus à mesure que le monde se fait vieux.

De chasseurs absolument maladroits, nés pour manquer, il n’y en a guère, et ceux-là ne s’obstinent point ; ils tirent leur épingle du jeu après les premières expériences. Pour transformer un lièvre en manchon et même pour descendre un perdreau, il ne faut qu’une adresse et une expérience vulgaires. On s’y met vite. J’ai ici un lycéen qui a pris hier soir son premier permis de chasse, ce matin, à six heures, il avait inscrit un grand lièvre à son actif. Les chasseurs les mieux doués arrivent à toucher une pièce sur deux ; les moins favorisés de la nature en touchent une sur huit ; la moyenne