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Je ne sais rien de plus intéressant, de plus digne de pitié, de moins risible au fond qu’un mari trompé par sa femme. Il faudrait avoir le cœur atroce pour refuser un peu de compassion au pauvre diable qui nourrit une coquine, élève des bâtards, travaille pour des ingrats, aime sans être aimé. Mais je crois aussi qu’on le plaint. Seulement, on commence par en rire. Que voulez-vous ? Il y a un contraste trop visible entre l’ambition de ce malheureux et le résultat qu’il a obtenu. Il s’est marié, c’est-à-dire il a affiché publiquement la prétention d’avoir une femme à lui seul ; à chaque fois que l’événement lui donne un démenti, le public se tient les côtes. La chose est d’autant plus comique qu’il ignore son infortune et cette désinence en U dont madame l’a décoré. On le voit aller, venir, dîner de bon appétit, promener avec orgueil la scélérate qui le trompe ; il a le front serein et le visage épanoui ; plus sa gaieté contraste avec le malheur qu’il ignore, plus on s’amuse à ses dépens, et jamais les rieurs ne font un retour sur eux-mêmes ; jamais ils ne s’avisent de dire, avec le sage Gargantua : Autant nous en pend à l’œil ! Les célibataires sont bien sûrs qu’on ne les prendra jamais au mariage ; les maris sont certains que leurs femmes les aiment et que s’ils n’étaient plus aimés, ils le sauraient. Bonnes gens !

Quant à nous, bredouilles, mes frères, nous