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grandes enjambées et pour mouiller mes genoux dans la luzerne ; moi aussi j’ai promené un chien mélancolique à travers des champs dépeuplés, et je suis rentré à la maison par des chemins de traverse, cachant mon carnier vide à la malignité des voisins.

Il n’y a pas à dire, le mot bredouille est ridicule. Sa terminaison rime à je ne sais combien de mots disgraciés : citrouille, grenouille, andouille. Ouille est aussi malheureux en français que chote en espagnol. Cervantes a changé Quexada en Quichotte, et l’Espagne s’est mise à rire. Prenez le plus beau nom de France et le terminez en ouille, vous obtiendrez le même effet. La Trémouille est une exception qui confirme la règle.

Mais ce n’est pas seulement le mot bredouille qui est malencontreux ; la chose est sotte.

Un chasseur qui rentre au logis avec un chevreuil sur le dos, quatre lièvres dans le sac, trois douzaines de cailles et de perdrix suspendues à la ceinture, est littéralement écrasé. Il ploie, il se tient mal, il a l’air d’un bossu, il est grotesque, si vous voulez, mais il n’a pas l’air sot ; il ne sera jamais ridicule. Les passants l’envieront peut-être ; à coup sûr, ils ne penseront pas à lui rire au nez.

Un beau jeune homme qui marche droit à cinq heures du soir, le fusil négligemment jeté sur l’épaule, le carnier flottant avec grâce sur le dos,