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douche des bains russes. Les champions de l’ignorance publique ont été plus agréablement surpris, mais ils pensent aussi qu’on aurait pu leur donner une secousse moins forte.

« La joie fait peur, disent-ils ; on ne passe pas impunément du désespoir profond à l’allégresse triomphante. Nous avons cru toute une journée que le peuple allait apprendre à lire et que le règne du Progrès était inauguré sur la terre. Ce n’était qu’une fausse alerte : le ciel en soit béni ! Mais enfin nous avons eu peur ; l’évêque de Saverne a été remué jusqu’au fond de ses entrailles : il faudra quinze jours de soins et de confitures pour rendre à ses fonctions naturelles leur vénérable régularité.

Les hommes sans passion qui composent la majeure partie du peuple, ces innombrables esprits de bonne foi, toujours sincères, souvent timides, ont éprouvé deux commotions profondes, qu’on aurait pu leur épargner. Entre nous, je crois que l’honorable M. Duruy avait un peu devancé l’opinion publique. La cause de l’instruction gratuite était gagnée depuis quelque temps, mais le grand nombre n’avait pas d’idées arrêtées sur l’instruction obligatoire.

Quelques millions de campagnards (sans compter celui qui vous parle) conservaient au fond de l’âme un reste d’incertitude, une hésitation naturelle et fort excusable, lorsqu’il s’agit de toucher,