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Depuis que la démocratie dont nous sommes tous membres s’est donné un gouvernement personnel, il semble que le pouvoir ait pris à tâche de rendre l’opposition impossible. Les ministres ne sont guère que les exécutants de la symphonie impériale : celui qui aurait la prétention de jouer son petit air à part ferait plus sagement de retourner chez lui. Les fonctionnaires fonctionnent dans le plus bel ordre ; cinq cent mille orgues de barbarie répètent jusqu’aux extrémités de la France la ritournelle exécutée et transmise par les ministres. J’avoue qu’au milieu d’une harmonie si parfaite un seul cri, un seul mot d’opposition doit détonner sensiblement. Mais est-ce une raison pour que cinq cent mille hommes tombent à bras raccourcis sur le téméraire qui a parlé ?

Je crois que l’Empereur ignore neuf fois sur dix les contradictions qui s’élèvent parmi nous contre sa politique. Les connût-il, je suis presque certain qu’il n’en serait pas personnellement offensé. Il est de bonne foi dans la recherche du mieux, et la preuve c’est qu’il a déjà changé d’avis sur plus d’une question importante. C’est le fonctionnaire qui s’insurge comme un beau diable au premier symptôme d’opposition. « Comment ! moi qui suis moi, et qui porte un habit brodé sur toutes les coutures, je m’applique héroïquement à étouffer toutes mes idées, à réprimer tous mes penchants, à ne rien