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versel, s’il s’est préoccupé quelquefois de l’opinion publique, c’est une preuve de modération dont vous deviez lui savoir gré. En théorie, l’Empereur règne et gouverne sous l’inspiration du peuple ; mais si le peuple ne dit rien, s’il attend, bouche béante, qu’on lui dise ce qu’il doit penser, l’Empereur est le bras, l’Empereur est la tête, l’Empereur est toute la France à lui seul. Rappelez-vous le succès de certaines brochures que vous avez dévorées, englouties plutôt que vous ne les avez lues. M. Dentu les tirait à quatre éditions par jour. On disait, à tort ou à raison, que l’Empereur les avait dictées, et le peuple se jetait dessus : la foule était bien aise de connaître une fois dans sa vie quelle opinion elle devait avoir.

Lorsqu’un homme est investi d’une telle confiance, il a beau jeu à prendre sur lui les responsabilités les plus écrasantes. Il peut endosser hardiment tous les actes de ses ministres ; sa popularité est assez solide pour que les traits de la critique ne la traversent jamais ; son autorité est trop haute pour que le discrédit puisse l’atteindre. L’Empereur responsable, c’est l’irresponsabilité absolue de tout le gouvernement.

Mais si la sympathie et l’admiration publiques rendent un homme tout-puissant, elles ne le rendent pas immortel. L’Empereur se porte bien, Dieu merci, mais nous devons pourvoir à l’avenir, lui