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connaissance des hommes : on contracte forcément l’habitude de parler et d’écrire ; on se fait un style net, on trouve les formules les plus simples et les arguments les plus décisifs : on prend de l’autorité, car enfin gouverner une opposition, c’est déjà gouverner quelque chose.

Cette éducation si bien commencée s’est parfaite, en quelque sorte, dans l’exercice du pouvoir. Le malheur est que la confiance personnelle, manifestée avec éclat par l’immense majorité du peuple, les talents personnels acquis laborieusement par le nouveau souverain, les idées personnelles qu’il apportait toutes faites, presque mûres, l’empressement de traduire la théorie en fait, l’impatience des obstacles et de la contradiction même ont poussé l’Empereur au système noble et périlleux du gouvernement personnel. Louis-Philippe disait : nous ; le pauvre excellent homme aurait pu même, sans paradoxe, dire : eux, car il n’était que l’auguste et respectable porte-voix de ses ministres. L’Empereur dit : moi, et qui pourrait l’en blâmer, je vous prie ? C’est avec lui que la nation française a signé un bail indéfini. Vous ne lui avez pas fait de conditions : ce n’est pas vous qui lui avez imposé une charte, en garantie des libertés publiques : il a rédigé la Constitution de l’Empire et vous l’avez acclamée. Les neuf dixièmes de ceux qui ont tant de fois voté pour lui n’avaient en vue aucun sys-