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Le père

En 1852, l’occasion nous parut bonne pour fonder un collége à X… La ville possédait bien un lycée, et même un des meilleurs de cette immonde Université ; mais le ministère de l’instruction publique affichait la généreuse intention de suicider l’État dans son enseignement officiel. Nous fîmes l’acquisition d’un pensionnat très-modeste où peu de temps avant nous un abbé avait fait de mauvaises affaires. Notre clientèle, au début, se composait surtout d’élèves incorrigibles, expulsés de partout, de polissons plus indomptables que le mulet du Cirque : on nous les donnait à dresser. Quelques gentillâtres bien pensants nous confièrent leur progéniture. Je ne crois pas manquer de modestie en disant que nous avons le génie de l’éducation. Nous n’apprenons pas grand’chose à nos élèves, mais nous les nourrissons bien, nous les entourons de petits soins, nous ne leur ménageons pas les congés, nous leur prodiguons les fêtes. Peu ou point de punitions et force récompenses. Le plus médiocre sujet obtient chez nous sans se fouler la rate plus de décorations, de rubans, de distinctions honorifiques qu’un diplomate allemand n’en étale aux réceptions du grand-duc. Que doit penser un lycéen lorsqu’il rencontre un de nos élèves en vacance ? On lui vante les douceurs de l’Éden que nous avons fait, tandis qu’il se lamente encore sur la sé-