Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les affaires, sacrifiez un peu de votre gain. Il n’est pas absolument indispensable qu’un homme s’enrichisse en dix ans ; les industriels du bon vieux temps moisissaient trente années et plus dans l’atelier. Tout nous porte à penser qu’ils faisaient au travail une part équitable, car l’ouvrier aimait son patron comme un père.

Je sais que vous me répondrez que les affaires vont mal, que tout n’est pas roses dans l’industrie, que les faillites tombent dru comme grêle : il y a du vrai là dedans. Mais vous êtes moins intéressants que l’ouvrier, même quand vous êtes plus sages. Si les affaires vont mal vous mangez de l’argent, ce qui est dur. Quant à lui, il ne mange pas du tout, et c’est la mort. Il n’a pas un capital sur lequel il puisse vivre.

Quand l’ouvrier se laisse entraîner à de faux raisonnements, la faute en est à son éducation incomplète : on la complétera ; n’ayez pas peur. Quand vous vous trompez à votre avantage, vous, hommes éclairés, vous n’avez pas l’excuse de l’ignorance.

Quand l’ouvrier se monte et fait un coup de tête, il use d’une liberté nouvelle pour lui ; il prend ses grades dans la vie militante, il s’élève d’un cran, à ses risques et périls, dans la hiérarchie sociale. Un acte d’indépendance, si funeste qu’il puisse être un jour à son auteur, est une affirmation définitive de l’homme. Quant à vous, votre indépendance