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messieurs les patrons, il y en a de bons, de passables et de contestables. Je ne discute pas le calcul statistique des délégués carrossiers ; la statistique est une science complaisante qui dit tout ce qu’on veut. Peut-être répliqueriez-vous à votre tour par des chiffres ; vous me diriez qu’il y a autant de célibataires parmi les ouvriers que de pères de famille ; vous me demanderiez comment ces travailleurs en déficit ont créé le fonds commun dont ils disposent aujourd’hui ; vous prouveriez peut-être que le goût du plaisir n’est pas antipathique aux ouvriers de Paris, car enfin ce n’est pas le Sénat qui remplit les cafés à vingt billards. Je prévois vos objections, mais sans m’y arrêter plus qu’il ne faut. Je vois planer sur tous les détails de l’affaire une question qui domine tout : Y a-t-il, oui ou non, dans la classe des bons ouvriers, des souffrances imméritées ? Connaissez-vous des ouvriers qui, travaillant six jours par semaine, ne gagnent pas assez pour vivre et nourrir leur famille ? Il y en a, c’est bien certain.

Maintenant pouvez-vous, en réduisant vos bénéfices, élever les salaires à la hauteur du besoin présent ? Vous qui vendez plus cher tout ce qui se fabrique, pouvez-vous payer plus cher aussi les bras intelligents qui fabriquent pour vous ? Si vous le pouvez, dites-le, et surtout faites-le bien vite. Dussiez-vous rester quelques années de plus dans