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cinq francs. Aujourd’hui, dans l’empire français, malgré tous les chemins de fer qui nivellent les tarifs, une journée de manœuvre varie entre un et quatre francs, selon le prix du nécessaire dans la localité où le travail se fait. L’État n’a pas besoin d’intervenir entre ceux qui l’exécutent et ceux qui le commandent ; voulût-il s’immiscer dans ces transactions, il ne le pourrait pas : il est incompétent. Tout se règle de gré à gré et d’homme à homme, sauf en ces jours de crise qui sont des points imperceptibles dans l’histoire de l’humanité. Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, il suffit que l’ouvrier dise au patron : « Voici ce que je dépense, et voilà ce que je gagne. » Le patron ne peut pas exiger qu’un autre homme, son égal, s’immole à lui : il équilibre la balance. C’est non-seulement son devoir, mais son intérêt immédiat, car il n’espère pas qu’un pauvre se privera longtemps du nécessaire pour augmenter la fortune d’un riche. Il sait qu’avant huit jours le pauvre irait chercher un labeur moins ingrat dans une de ces villes, assez nombreuses, grâce à Dieu, où le métier nourrit son homme.

Le bon marché engendre le bon marché ; la cherté se produit et s’accroît incessamment elle-même. Un homme qui serait logé, nourri, éclairé, chauffé, habillé gratuitement par les autres, pourrait et devrait à son tour les servir au même prix.