Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vide qu’il faut combler exactement, si l’on ne veut pas que le travail volontaire devienne un suicide, le travail obligé un meurtre.

Dans les pays et dans les temps où l’homme se renouvelle à bon marché, il peut travailler à bon marché sans se nuire à lui-même. Le jour où les denrées indispensables à la vie haussent de prix, l’effort humain doit hausser dans la même proportion : c’est une loi d’équité et de logique. Une société dans laquelle le travail ne rendrait pas à l’homme ce qu’il prend, serait homicide, au moins par imprudence.

C’est peu que l’individu gagne au jour le jour ce qui lui est strictement nécessaire. Il doit nourrir sa femme, ses enfants, jusqu’à un certain âge, ses vieux parents au delà d’un certain âge. Il doit aussi épargner quelque chose pour le moment où il deviendra impropre au travail.

Par une loi de la nature et de la raison, l’équilibre s’établit presque spontanément en tous lieux entre la valeur des personnes et celle des choses. Interrogez l’histoire et la géographie : vous verrez qu’aux époques où la nourriture d’un homme coûtait un sou par jour, le travail de la journée se payait entre deux et trois sous. Dans les pays où les denrées sont hors de prix, à la Havane, par exemple, le plus léger service, une porte ouverte par le serrurier, une course de commissionnaire, vaut