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ner au travail, et le travail paraît infiniment plus pénible. On a perdu le pli. Je ne sais si vous êtes comme moi, mais quand je suis resté seulement trois jours sans rien faire, c’est le diable de m’y remettre ; il me semble que j’ai le cerveau rouillé.

Ce n’est pas encore tout. Ah ! tant pis si je vous ennuie. Après la grève, on a des dettes, et le travail n’en paraît que plus dur. Il n’y a rien de plus ingrat et de plus triste au monde que de travailler pour payer. On ne voit pas à l’horizon la récompense de ses peines ; on sent qu’on s’extermine gratis, comme un esclave. En effet, c’est qu’on est l’esclave de son passé. J’ai connu dans notre partie un homme de grand talent et un brave garçon, mais faible et paresseux. Il était devenu célèbre ; tout le monde lui demandait des livres, tout le monde lui donnait de l’argent à l’avance. On l’endetta si bien, qu’il finit par ne plus rien faire. À quoi bon ? Tout ce qu’il aurait fait, même une douzaine de chefs-d’œuvre, ne lui aurait pas rapporté un sou. Il devait à Pierre et à Paul tout ce qu’il avait, même en germe, dans la tête. Le découragement le prit et il mourut.

Je ne vous conte pas des histoires bien gaies, mais c’est qu’en vérité ce n’est pas le moment de rire. Cette épidémie de grève inquiète tous ceux qui vous veulent du bien. Nous constatons avec regret que le goût du travail se perd et que le besoin