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teux jusque dans ses vices ; il veut voir sa maîtresse en voiture, il veut qu’elle ait une loge à l’Opéra ; il exige qu’on dépense à la gloire de sa libéralité deux fois plus d’argent qu’il n’en donne. Il ne recherche pas la créature la plus jeune et la plus jolie, mais la plus en vue, celle qui s’habille le mieux, qui fait le plus d’étalage, qui a les plus beaux chevaux dans son écurie, qui a croqué le plus d’argent français et étranger, eût-elle cassé toutes ses dents à cette besogne. Le Parisien de 1865 n’hésiterait pas une minute entre la Vénus de Médicis, par exemple, et une vénérable invalide de l’amour, si connue par un demi-siècle de gaspillage que son nom est devenu synonyme de dépense. Il se pose en traînant par le monde un squelette ruineux, comme en ouvrant la porte d’un restaurant très-cher où l’on dîne mal.

Voilà les hommes que nous sommes, et cela dit, je vous demande en bonne foi si le législateur doit s’armer contre nos victimes ? Qu’il s’arme contre nous, s’il le peut ; il fera bien. Qu’il prenne la férule et qu’il frappe sur ses voisins, sur ses amis, sur son fils, sur son père, sur lui-même, sur tous, excepté sur les malheureuses qui n’en peuvent mais, car elles sont ce que l’homme les a faites.

Laissez-moi vous répéter, avec un de mes meilleurs amis (je dirais le meilleur, s’il ne m’avait compromis par mainte sottise) :