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Je suis presque certain que les réclamations dont on parle depuis un mois s’appuient sur un fond de justice ; cependant, si par malheur vous vous étiez trompés dans vos calculs ?

J’admets encore que les calculs soient absolument justes : il est souvent meilleur de souffrir une injustice tolérable que de s’armer contre elle. Il n’y a pas de guerre qui ne fasse des victimes, et j’ai peur que les victimes soient toutes de votre côté. Avant d’arriver à vos fins, si jamais vous y arrivez, vous boirez des bouillons terribles.

La grève est charmante au début. Je me mets parfaitement à la place du brave garçon, pas trop laborieux, qui dit en se croisant les bras :

« Je vais prendre du bon temps sans me priver de rien pendant une quinzaine, un mois, deux mois s’il le faut. Par cet exercice fort doux, j’ajoute au prix de tout le travail que je ferai désormais jusqu’à la fin de ma vie. Hier encore j’étais un homme de quatre francs par jour ; bientôt j’en vaudrai cinq, grâce au repos obstiné que j’ai le courage de prendre. Et j’augmente non-seulement ma valeur personnelle mais celle de mes amis, mes camarades, tous ceux de mon métier ! En ce moment ils travaillent encore au prix ancien et partagent leur salaire avec moi ; mais l’argent qu’ils me donnent est un placement à gros intérêt. Qui est-ce qui ne donnerait pas quarante sous par jour