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y a généralement, dans l’usine ou la fabrique, une augmentation de richesse créée. Plus ou moins, vous avez ajouté quelque chose à la somme de biens qui existaient hier ici-bas. Voilà ce que personne ne conteste, et il n’y a pas un homme assez fou, depuis l’abolition de l’esclavage, pour dire à son semblable : Le fruit de ton travail est à moi. L’ouvrier qui, dans ses dix heures, aurait créé un million par lui-même, à lui seul, aurait le droit d’emporter son million tout entier ; personne ne pourrait, sans crime, prélever un franc sur la somme. Mais la question est bien plus complexe aujourd’hui. Vous n’avez pas travaillé seuls, il y avait avec vous, autour de vous, en collaboration avec vous, le travail accumulé, puissant, actif, de cent mille hommes peut-être : il faut faire la part de ces absents, grâce auxquels vous produisez si vite et si bien. Dans quelle proportion répartirez-vous la somme ? Ne faudra-t-il pas tenir compte des pertes auxquelles le patron est exposé ? Si ses commettants lui font faillite, il vous aura payé un travail que lui-même il a donné pour rien. N’est-il pas juste aussi de prendre sur vos gains le salaire des employés qui ont recruté les commandes, stimulé la vente, livré la marchandise, tenu la comptabilité ? Sans ces rouages-là, point de fabrique, c’est-à-dire point de travail pour vous !

Vous avez l’esprit juste et la conscience droite ;