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ALSACE.

de M. de Moltke et armé contre la patrie. Il faut donc vous attendre à une immense émigration des familles, ou à la désertion générale des enfants.

« Les Français de l’intérieur nous dissuadent d’émigrer ; ils font valoir d’excellentes raisons, je l’avoue. L’Alsace dépeuplée de tous les bons citoyens qu’elle a vus naître serait bientôt envahie et colonisée par les Allemands. Ces gens-là vivent mal chez eux ; ils n’ont jamais montré un grand attachement au sol ; la dépréciation des biens-fonds les attirera comme une nuée de sauterelles sur nos domaines abandonnés ; Strasbourg n’est pas si loin de la Prusse que le Far-West de l’Amérique. C’est fort bien raisonné, mes amis, mais essayez un moment de vous mettre à notre place. Dites si vous consentiriez à passer votre vie au milieu de ces uniformes dont le passage rapide et furtif à travers un seul quartier de Paris vous a fait hurler de douleur et de honte ? Dites si l’intérêt d’un avenir proche ou lointain vous déciderait à opter pour la nationalité germanique ? En est-il un de vous qui consente à se faire Allemand pour les beaux yeux de la patrie française ? Nous aimons bien la France, mais pas encore au point d’armer nos fils contre elle. L’enrôlement des jeunes Alsaciens dans les troupes du roi Guillaume serait plus désastreux, plus immoral et