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LA RÉSISTANCE.

nationale, quand même on ne la saurait qu’à moitié. Défense d’entendre l’allemand quand même on le comprendrait à merveille. Cent fois j’ai failli éclater de rire en entendant quelque brave homme répondre aux Prussiens avec un accent formidable : moi Vrauzais, moi pas safoir âllemand. Quelques-uns disent même : pas poufoir âllemand. C’est la traduction littérale de Ich kann nicht Deutsch.

« Aux Allemands qui sont polis et qui nous abordent en français, nous répondons avec une politesse stricte, cérémonieuse et glaciale qui les tient à distance. S’ils nous demandent un renseignement, un de ces petits services qu’on ne peut refuser, nous nous exécutons avec des formes irréprochables, mais nous n’acceptons rien en échange, pas même un simple merci. Qu’ils entrent dans un lieu public où nous étions avant eux, par exemple au café ou à la brasserie, nous vidons notre verre et nous sortons sans affectation. Nous n’entrons pas si nous voyons, en ouvrant la porte, qu’ils ont pris place avant nous. Notre plaisir favori, vous le savez, est la musique ; ils se flattaient de nous séduire un peu par leurs symphonies militaires : les expériences qu’ils ont faites ont tourné à leur confusion. Quand la musique arrive sur la place du Château, le vide s’y fait par miracle. Un dimanche de cet été, le jardin du Saumon était plein de buveurs de bière : on voit entrer un