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ALSACE.

deux, prisonnier des Prussiens, la cuisse traversée d’une balle. Il se guérit à toute vitesse, s’enfuit de l’ambulance et retourne au service. On le renvoie comme Alsacien, l’armistice était signé ; il se rengage dans un corps franc. Les corps francs sont dissous, il retourne à Paris et reprend son métier qui est de mettre le vin en bouteilles. Arrive la Commune. Mon gaillard se trouvait à la place Vendôme le jour de la manifestation du 25 mars. En voyant les gardes nationaux tirer sur une foule d’honnêtes gens sans armes, la colère le prend, il arrache le fusil d’un fédéré, le sabre d’un capitaine, rapporte ce trophée à la maison, se remet à rincer les bouteilles et ne pense pas plus à briguer la médaille militaire qu’à poser sa candidature au trône de France. Il a vingt et un ans, ce garçon. Dites après cela que nos bons Savernois n’ont pas le courage précoce !

« Dès que la paix eut clos la période aiguë du patriotisme alsacien, les sentiments revêtirent une autre forme. L’ennemi commençait à rapatrier les prisonniers français : tout le réseau de nos chemins de fer, ou du moins toute la ligne qu’on fit suivre à ces malheureux fut le théâtre d’une opposition sentimentale à la mode de Pologne : femmes, vieillards, enfants, tout ce qui restait de population assiégea les stations et les gares pour acclamer et réconforter nos soldats.