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HUIT JOURS D’ÉTUDE.

Voyons un peu. Vous, mon gros père, que mettez-vous par an dans la caisse du percepteur ?

— Eh ! je n’en suis pas quitte à moins de 45 francs.

— Alors, c’est que j’ai l’honneur de causer avec un gros propriétaire ?

— Mais non ! Voici la maison, voilà la cour, il y a tant d’arpents de terre, et c’est tout.

— Vous m’étonnez. Ces Welches sont plus impudents que je ne pensais. Quarante-cinq francs l’impôt ! Je suis curieux de savoir ce que vous auriez à payer si vous étiez sujet de la Prusse… Attendez ! »

L’agent tirait un carnet de sa poche et griffonnait chiffre sur chiffre devant son auditoire ébahi. « Nous disons la maison, la cour et tant d’arpents ? Eh bien, mon cher ami, si vous aviez l’honneur d’être Prussien, on vous demanderait quatre thalers, quinze francs, pas un sou de plus ; je le dis et je le prouve ; voyez plutôt ! »

Le paysan ne répondait ni oui ni non, mais il restait pensif. Ce serait lui faire injure que de supposer qu’il songeât à vendre sa patrie, comme Judas vendit son maître, pour trente pièces d’argent. Toutefois il a pu sans crime comparer le gouvernement coûteux de la France aux services presque gratuits qu’on faisait miroiter devant lui. À la stupeur de l’invasion, à l’humiliation de la