Page:About - Alsace, 1875.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
HUIT JOURS D’ÉTUDE.

les beaux habits, et savent se faire honneur de leur argent, quand même ils n’en ont guère. Leur brillant appétit n’est jamais indifférent à la qualité des mets ; ils boivent sec et mangent à belles dents, mais ils ne traitent point leur estomac comme un coffre, et ne s’emplissent pas aveuglément de tout ce qui fait ventre. C’est pourquoi les repas du vainqueur, la digestion, le sommeil, la toilette du vainqueur, répugnent aux braves gens d’Alsace. Ils flairent le fumet du vainqueur, et prétendent qu’ils sauraient le suivre à la piste, les yeux fermés.

Le peuple de Saverne exagère sans doute un peu l’avarice prussienne, mais l’hyperbole même atteste l’éveil et la vivacité de la haine. J’assiste à la formation d’une légende qui vivra plus longtemps sans doute que l’annexion. Les nouveaux fonctionnaires y sont représentés comme des gueux, tout étonnés d’avoir échangé leur besace contre un gros salaire. Leurs vêtements, leurs meubles, le peu qu’ils apportent chez nous est évalué strictement, à l’heure même du déballage. On sait déjà que l’élégance de ces dames a le coton pour base, que le velours et la dentelle des plus huppées ne sont que du coton. Encore est-il presque avéré qu’elles ont fait ces frais pour éblouir l’Alsace. Et l’Alsace rit aux éclats de ce luxe économique, étriqué et déjà fripé. Le président du